Une première scène seul.es ou en groupe ?
Bonjour à tous.tes,
Voilà mon premier article, inspiré de discussions que j'ai eu avec Nekkiji et Naltha. N'hésitez pas à partager vos réflexions, questions etc. dans les commentaires, je commettrai sûrement des erreurs et ne pense pas non plus être exhaustive.
Introduction
Tout d'abord, il me semble important de définir le cadre de cet article : je vais m'intéresser à la première scène du premier scénario et je la traiterai peu importe la durée de la fiction par la suite (one shot, arc narratif ou campagne). Dans ce cadre, je vais pour différents thèmes, proposer mes réflexions sur les avantages et inconvénients de faire démarrer les PJs en groupe ou isolé.es.
Quelques points à noter :
- J'utilise dans cet article l'écriture inclusive. Je ne suis cependant pas experte (n'hésitez pas à me signaler les erreurs éventuelles) et ne me suis pas fixée une convention d'écriture à ce sujet.
- Certaines thématiques sont connexes et se répondent les unes aux autres, je ferai ainsi des références pour éviter de répéter certaines informations.
- Certains des termes que j'emploie le sont peut-être à mauvais escient, j'espère être claire malgré tout dans mon propos. En tout cas, n'hésitez pas à discuter de la justesse de certains mots en commentaire.
- Cet article se concentre sur des structures "traditionnelles", avec un.e MJ/MC/conteur.euse et des PJs.
Le contrat de table
Un des premiers points à considérer est le contrat de table (présenté comme "contrat social" dans de nombreux articles théoriques). Il s'agit de tenir compte des attentes à la fois des joueur.euses et de lea MJ et est souvent défini en hors-jeu avant ou au début de la séance.
Du côté de lea MJ, d'autres questions peuvent venir influencer le choix de cette (ou ces) premières scènes. Dans le cas d'un scénario du commerce (ou pré-écrit en général), la trame est déjà définie et ajouter des scènes personnalisées peut être un plus mais demandera un travail préalable pour être intéressant. Autre critère : selon le temps dont vous disposez pour la séance; commencer par des scènes individuelles peut rallonger la durée du scénario et donc perturber votre emploi du temps. Les scènes individuelles permettent également à lea MJ d'introduire des éléments d'histoires ou des PNJs et d'enrichir l'histoire autour d'un PJ.
Character-driven / Plot-driven
L'orientation de la narration peut aussi à mon avis influer sur le choix de la (ou des) premières scènes. En effet, selon que l'on décide de centrer la narration sur le personnage ou l'histoire, les éléments à introduire au début du scénario seront assez différents.
Character Driven
Dans le cas où la narration est centré sur les personnages, l'enjeux des premières scènes est donc de les présenter et de permettre à tous.tes de rapidement comprendre leurs motivations, leur personnalité etc. Faire des scènes individuelles pour chaque PJ semble dans ce cas une plutôt bonne idée. Cependant, on peut aussi le voir comme centré sur leS personnageS en tant que groupe, auquel cas une première scène commune qui montre les dynamiques internes est une option tout aussi intéressante. Dans ce cas de figure, les joueur.euses auront peut-être iels-mêmes des idées pour mettre en scène leur PJ, ce seront sûrement elleux la principale source d'inspiration (après tout iels sont responsables des éléments centraux de la narration).
Plot Driven
Dans le cas d'un scénario centré sur l'histoire, les premières scènes servent plutôt à présenter le contexte et introduire des éléments relatifs au(x) scénario(s) à venir. C'est donc à lea MJ de savoir comment cette histoire va venir percuter la vie des PJs et s'il vaut mieux qu'iels soient déjà en groupe ou non.
Faire intervenir l'élément déclencheur de l'histoire alors que le groupe est déjà formé (ou en cours de formation, cet évènement majeur étant la touche qui permet de les lier durablement) est plus simple (il n'y a qu'un évènement à prévoir). C'est également particulièrement adapté dans le cas où un groupe ou une entité maléfique est nuisible au travers d'un type d'action : par exemple un dragon qui terrorise un village ou une bande de pillard qui harcèle des vaisseaux quittant l'astroport. En effet, faire quatre ou cinq variations d'attaque de dragon ou de pillard risque de présenter peu d'intérêt.
Le faire intervenir alors qu'iels sont encore séparés présente aussi un intérêt : celà permet de présenter différentes facettes de l'histoire et manière de l'aborder. Par exemple dans le cas ou les joueur.euses veulent incarner des résistants à un gouvernements oppressifs, il peut s'agir de faire ressentir cette oppression de diverses manières : un.e artiste censuré.e, un.e représentant.e d'une minorité victime de violence, un.e travailleur.euse à qui on en demande toujours plus, un.e membre du réseau d'espionnage de l'état dégouté.e des conséquences de ses dénonciations etc. On peut imaginer de la même façon diverses manières de mettre en scène les conséquences des actes d'une faction mystérieuse dont les PJs ne soupçonnent pas l'existence et les lancer ainsi dans leur enquête.
Durée du scénario
La durée d'un scénario influe à mon avis beaucoup sur le choix de la première scène. Commencer isolé est souvent plus long (et parfois plus lent), qu'un démarrage ou le groupe est déjà réuni, il va donc falloir réfléchir au temps que vous pouvez vous permettre d'allouer à cette première scène.
Une manière de contourner ce problème de rythme peut être de jouer des premières scènes individuelles avant la première séance et ainsi débuter directement au cœur de l'action.
Cas d'une Campagne
Dans le cadre d'une campagne vous avez à priori réalisez une "séance 0" (séance préalable ou vous créer les personnages en groupe, définissez les enjeux de la campagne, le cadre de jeu, l'ambiance, etc.). Cette séance vous permet de définir les attentes de chacun.e (cf. la partie "Le Contrat de Table) et donc d'adapter votre campagne.
Un point à noter tout de même, faire une scène avec chaque personnage seul.e (en flashback si le groupe commence réunit) peut présenter toutefois un intérêt. Celà permet en effet à lea joueur.euse de prendre en main son personnage en l'incarnant dans une scène ou il ne peut que compter sur lui-même. Cette scène peut aussi être l'occasion de faire quelques jets de dés et ainsi se familiariser avec le système de jeu, à la manière d'un tutoriel de jeu vidéo. On peut également penser à des scènes avec en duo pour présenter la relation de deux personnages avec qu'iels intègrent le groupe.
Un autre aspect à prendre en compte est la préparation de la recomposition de l'équipe de PJ. En effet, si vous commencez une série de scènes individuelles sans prévoir la manière dont vous allez par la suite réunir le groupe, vous risquez de faire une campagne où chaque joueur.euse joue son personnage indépendamment des autres. Cette situation m'est par exemple arrivée sur une partie de Vampire et aujourd'hui après plus de 60h de jeux la coterie (groupe de PJ dans Vampire) ne s'est jamais formée.
Je me permet de préciser que je ne pense pas que cela soit un mal, au contraire si vos joueur.euses apprécient ce mode de jeu cela peut se révéler très intéressant !
Cas d'un One-Shot
Dans le cas d'un one shot, la situation est souvent un peu différente. Il n'y a généralement pas eu de session 0 et les joueur.euses vont probablement jouer des personnages prétirés. Leur lien avec l'intrigue est déjà établi et la narration sera majoritairement centré autour de la résolution de celle-ci.
Dans ces conditions, un début ou les personnages sont déjà regroupés est une bonne alternative pour gagner du temps et se concentrer davantage sur le déroulement de l'histoire. Sans forcément passer par un début in medias res (qui est toutefois plutôt indiqué pour des One-Shot à mon avis), il peut-être intéressant de considérer que les personnages se connaissent déjà et sont déjà réunis. Le temps est central dans un One Shot et si les personnages font chacun.e un début isolé.e, il faut alors s'assurer que celà fasse avancer le scénario... ou que justement celui se concentre sur la vie des personnages plutôt que sur une trame extérieure !
Système de jeu
Le système de jeu peut ou non appeler des scènes solos de par sa construction et celà s'applique donc aussi à la première scène.
Par exemple, un jeu comme Vampire : la Mascarade (V5) propose des mécanique particulièrement adapté à des scènes qui se résoudront en solitaire. C'est notamment le cas des attaches : des éléments fictionnels, généralement des être humains, qui rappellent son humanité au vampire. Ils sont à définir en début de partie et sont liés à l'humanité (une jauge) du PJ et interviendront donc dans les chroniques sur des scènes qui se prêtent assez bien au solo. Toujours dans Vampire : la Mascarade (V5), les méthodes de prédations et les scènes de chasse qui interviennent presque chaque nuit sont des passages solitaires réguliers. Selon le PJ, commencer par une scène de prédation solitaire pour montrer la bestialité de cellui-ci ou au contraire son humanité dans une scène avec saon attache peut être très efficace pour donner le ton d'une séance voir d'une chronique.
On peut arguer à l'inverse que des règles sont définies pour une coterie (groupe de vampires), avec des objectifs, un refuge etc. et c'est tout à fait vrai. Je pense que ce jeu permet un ensemble d'approche et que choisir de mettre en avant l'individualité des personnages n'est pas "mieux" ou "la vraie manière de jouer" simplement une manière possible que j'illustre.
D'autres jeux appellent au contraire à des scènes de groupes. On peut penser dans une moindre mesure à la 5ème édition du plus célèbre des JDR, avec un système de classe qui se complète les unes les autres. D'autres jeux poussent encore plus loin avec un système de création de groupe et de liens qui s'établissent dès la création de personnage. C'est par exemple le cas de Coriolis - Le troisième horizon, un jeu de rôle de science-fiction qui dispose d'une création de groupe. De plus, l'aventure commence alors que les PJs ont contracté une dette pour s'offrir leur vaisseau au début de l'aventure et sont donc directement lié.es par cette nécessité de rembourser l'argent investi. Dans cette situation, commencer avec une première scène ou iels cherchent ensemble un travail pour effectuer le remboursement mensuel de leur prêt peut sembler un choix assez évident.
Esthétique globale
Les scénarios sont souvent rattachés à un cadre et un genre identifiables et pour transmettre cette esthétique certaines scènes seront ou non privilégiées. Pour résumer, ce qui va suivre, une bonne façon de choisir sa scène de départ est d'imaginer la scène la plus archétypale dans l'esthétique voulu et de s'en inspirer. Il sera bien sûr toujours possible de s'en éloigner plus tard mais cette première scène est aussi la première image de l'histoire qu'aura la table et rester proche d'un cliché permet à chacun.e de trouver ses marques.
Genre
Par genre, j'entends des catégories de récits que l'on peut regrouper du fait de leur sujet et de la manière qu'ils ont de les aborder, leur structure, leur style etc. Cette définition (aussi approximative soit-elle), montre bien qu'un récit se construit autour de codes qui définissent un canon esthétique. Une partie de Jeu de Rôle étant une narration, la table va chercher à se rapprocher de ce canon (s'il est défini) et va donc mettre en place des scènes dans ce sens.
Celà s'applique en particulier aux PJs présents dans une scène. Pour une partie dans un genre Roman Noir, commencer par une scène ou un.e PJ se retrouve seul.e et tourmenté.e face à une situation tragique dont iel est responsable serait à mon avis un bon moyen de donner immédiatement la tonalité de l'histoire qui va se jouer. A l'inverse, dans le cas du Space Opera, commencer avec l'équipe réunit dans leur vaisseau rutilant traversant l'espace vers une prison spatiale ou est détenu.e un.e gradé.e de leur faction peut être une amorce tout à fait intéressante et propre au genre.
Un genre ne contraint bien sûr pas à une forme d'amorce définit et il est tout à fait possible d'entamer par une scène de groupe pour un genre roman noir ou une scène en solo pour du space opera.
Mode de Jeu
Le mode de jeu (PvP/PvE) peut aussi influer sur le choix de cadrage de la première scène.
Dans le cas d'une partie ou le PvP (Player versus Player ou Joueur contre Joueur en français est un mode de jeu ou les PJs peuvent entreprendre des actions les uns contre les autres) est permis et même encourager, commencer par une scène solitaire ou un.e PJ vend des informations sur un.e autre membre du groupe aura le mérite de mettre immédiatement au clair que les intérêts personnels passent avant ceux du groupe dans la partie.
Dans un cadre PvE (Player versus Environment ou Joueur contre Environnement est un mode de jeu ou la menace sera externe au groupe, les PJs ont alors plus intérêt à s'allier pour affronter les menaces), commencer par une scène de courses poursuites effrénées ou chaque membre du groupe a son moment de briller peut être un excellent moyen de montrer aux joueur.euses que leur personnage auront de bien meilleur chance de survie en s'alliant et en restant en groupe.
Thématiques
Au travers des parties précédentes, un élément est revenu en filigrane : la thématique de la partie. Par cette expression, j'entends le message/mot d'ordre qui permet de guider la narration en toute circonstance et qui transparaît globalement.
Des thématiques comme l'amitié, la solidarité invitent par exemple fortement à des scènes de groupes. A l'inverse, dans un cadre ou l'égoïsme et l'ambition sont motrices, des scènes individuelles sont probablement le meilleur moyen de mettre en avant ces thématiques dès l'introduction.
Conclusion
Pour conclure, il ne faut pas avoir peur d'aller dans quelque chose de relativement convenu pour faciliter la prise en main de l'univers par les joueur.euses et donc de proposer des scènes seuls ou en groupe qui évoquent le plus l'ambiance souhaitée. (Proposer une première scène originale et à contre pied des attentes peut aussi être très intéressant, mais c'est un parti pris et transmet aussi un message...). Le déroulement de la première scène est de plus très important. Celle-ci peut en effet permettre de :
- Transmettre une ambiance pour la suite de l'histoire
- Prendre en main le système de jeu
- Introduire les personnages
- Introduire des éléments clés pour l'histoire
- Inciter certains comportements auprès des joueur.euses
- Donner un rythme à la partie
Faire ou non démarrer les PJs ensemble est donc une question à se poser à chaque début d'un nouveau scénario (ou campagne) et il n'y a pas d'algorithme ou de recette miracle pour savoir ce qui se prête le mieux à votre table.
J'ai présenté les éléments précédents comme relativement binaire mais bien souvent vous serez dans un entre deux qui tendra davantage d'un côté ou de l'autre pour chaque point. De la même façon, l'idée de démarrer seul.es ou en groupe peut présenter de nombreuses variations entre ces deux "extrêmes" :
- Les PJs se retrouvent tous.tes indépendamment à un même endroit quand un événement majeur se déroule dans ce lieu même... vous pouvez alors mettre une scène individuelle avant qu'il n'arrive ou simplement commencé individuellement avec chacun.e après l'événement en jouant en parallèle leur réaction jusqu'à leur rencontre.
- Faire des sous-groupes dès le début puis unir ces sous-groupes. Cela permet notamment de développer les liens entre certains PJs avant le début du scénario.
- Faire démarrer les PJs ensemble dans un endroit "calme" (comme un feu de camp) et proposer à chacun.e de raconter un événement de son passé qui peut alors être joué ou simplement narré.
Si vous sentez que les joueur.euses prolongent leur scène individuelle et semblent vouloir jouer chacun.e de leur côté sans former un groupe soudé, n'hésitez pas à les interroger à ce sujet ou à redéfinir le cadre du scénario/la campagne. Peut-être qu'iels ne savent pas comment se réunir ou au contraire sont satisfait.es de cette manière de jouer et cherche justement à éviter la constitution du groupe. Il est alors important de se mettre d'accord ensemble sur la suite de la scénario/campagne quitte à en redéfinir certains aspects.
Pour finir, quelques idées en vrac :
- Je pense qu'un certain nombre des idées présentées s'appliquent même en dehors de la première scène.
- Ritualiser certaines scènes en solo (comme la chasse dans vampire) ou en groupe (comme un buffet à la fin de chaque aventure) peut être un bon vecteur d'ambiance et même devenir la première scène de chaque séance dans une campagne comme vecteur d'ambiance.
Maintenant, c'est à vous de jouer !
Ash
Ash
Commentaires
Enregistrer un commentaire